L’histoire du cimetière Beechwood

Le cimetière Beechwood a ouvert ses portes en 1873, quatorze ans après le choix d’Ottawa comme capitale de la Province du Canada par la reine Victoria et six ans après qu'Ottawa soit devenue la capitale du Dominion du Canada. Ces événements ont amené à Ottawa des politiciens et d'autres leaders, dont beaucoup sont restés et ont été inhumés à Beechwood, faisant du cimetière un dépositaire de l'histoire canadienne.

Lors de son ouverture, Beechwood était situé bien au-delà des limites d'Ottawa. À partir de 1873, le conseil municipal décréta que les enterrements n'étaient plus autorisés dans les limites de la ville, décision fondée sur la crainte que les cimetières abritaient des maladies mortelles comme le choléra, la typhoïde et la variole, causant ainsi des épidémies qui se déclaraient périodiquement. Le conseil décréta aussi la fermeture du principal cimetière d'Ottawa dans la Côte-de-Sable (en réalité quatre cimetières adjacents, un pour les catholiques romains, un pour les méthodistes, un pour les presbytériens et un pour les épiscopaliens) et les cimetières de la Côte-de-Sable devinrent le parc Macdonald.

Le déménagement d'un corps de la Côte-de-Sable fut l’objet de la deuxième inscription dans le « Registre des enterrements » de Beechwood, en date du 21 août 1873. Deux frères furent inhumés ce jour-là; le premier, âgé de quatre ans, était mort deux jours avant son enterrement. L'autre était décédé deux ans auparavant, également à l'âge de quatre ans, et avait été enterré dans la Côte-de-Sable, puis avait été déplacé pour être inhumé avec son frère. Les premières pages du Registre des enterrements de Beechwood font souvent référence à un « déménagement de la Côte-de-Sable ».

La Société du cimetière Beechwood d'Ottawa a créé le cimetière Beechwood. Ses actionnaires étaient d’éminents résidents de la ville ayant à leur tête Joseph M. Currier, dont les intérêts commerciaux englobaient des scieries et d'autres moulins, le journal Ottawa Daily Citizen, la fonderie Victoria, ainsi que des entreprises dans les secteurs des banques et des assurances. Il a aussi siégé au conseil municipal et comme député provincial et fédéral. Après sa mort et son inhumation à Beechwood, la maison de Currier est devenue la résidence officielle des Premiers ministres du Canada.

Parmi les autres actionnaires de Beechwood figuraient les associés d’affaires de Currier, Robert Blackburn et Benjamin Batson, le marchand George Hay, l'avocat McLeod Stewart et le médecin John Sweetland. Ce dernier, originaire de Kingston et diplômé de l'Université Queen's, s'installa à Ottawa en 1867 et s'impliqua activement dans les affaires de la ville, occupant le poste de shérif du comté de Carleton, de dirigeant de nombreuses associations civiques et de président du cimetière Beechwood, où il fut inhumé. Le cimetière est situé dans l’ancien canton de Gloucester, dans le secteur appelé Junction Gore, bordé à l'ouest par la rivière Rideau et au nord par la rivière des Outaouais. Les lots de ce secteur avaient été tracés dans les années 1790 et s'étendaient de la « base géodésique » de l'arpenteur jusqu'à la rivière Rideau.

Bien après la délimitation des lots, la base géodésique de l'arpenteur devint le boulevard Saint-Laurent. Chaque lot couvre environ 200 acres (80 hectares) de terres. Trois d'entre eux, et les moitiés de deux autres, ont été achetés par Thomas MacKay, maçon devenu entrepreneur qui a construit les écluses reliant le canal Rideau à la rivière des Outaouais. Après leur construction, il est demeuré dans la communauté qui avait pris racine près des écluses, appelée Bytown. Il a construit des scieries et d'autres moulins, a subdivisé une partie de ses terres pour former la communauté de New Edinburgh et il aimait jouer de la cornemuse à sa maison située à proximité (surnommée « le château de MacKay »). Après son décès, le château de MacKay fut acheté par le gouvernement pour en faire la résidence au gouverneur général et fut appelé Rideau Hall. Thomas MacKay était propriétaire de la moitié de la façade riveraine du lot no 3, tandis qu’Hector McPhail, également maçon qui travaillait au canal Rideau, possédait l'autre moitié, qu'il avait achetée pour en faire une ferme.

Lorsqu'il la vendit à Joseph Currier pour établir le nouveau cimetière, McPhail fut autorisé à demeurer sur la propriété, qui couvrait environ 100 acres (40 hectares). En 1886, le cimetière acheta une partie adjacente au lot no 3 de la succession de MacKay et, en 1893, d'autres terres du gendre de MacKay, Thomas Coltrin Keefer, un éminent ingénieur. Il fut le concepteur des réseaux s’aqueduc de nombreuses villes, dont celui d'Ottawa. Les tombes de MacKay, McPhail et Keefer se trouvent à Beechwood.

La Société du cimetière chargea l'ingénieur Robert Surtees de transformer la ferme de McPhail en cimetière. Surtees était arrivé d'Angleterre au Canada en 1856 et avait été ingénieur adjoint de la ville de Hamilton avant de s'installer à Ottawa, où il entreprit des travaux d'aménagement paysager et d'autres projets, notamment l’agrandissement de New Edinburgh. Il occupa ensuite le poste d'ingénieur municipal d'Ottawa pendant plus de deux décennies. Les antécédents en génie de Surtees laissaient croire que Beechwood ne devrait pas être une grille rectangulaire d'allées séparant les tombes.

Au lieu de cela, il proposa un réseau de chemins sinueux sillonnant la propriété, en suivant probablement les contours du terrain, qui fut divisé en de nombreuses aires de sépulture de forme irrégulière. Cette circulation naturelle de chemins parmi les douces collines est la raison pour laquelle le cimetière Beechwood est devenu un exemple classique de cimetière rural du XVIIIe siècle.

L'architecte James Mather, d'origine écossaise et nouvellement arrivé à Ottawa, conçut les résidences du personnel du cimetière qui sont encore utilisées aujourd'hui. Il a peut-être aussi conçu l'édifice à bureaux du cimetière qui, en 1876, remplaça le premier bureau du cimetière situé sur la rue Sparks. Les autres bâtiments de la propriété comprenaient un atelier et une voûte pour l'entreposage hivernal des cercueils en attendant que le dégel printanier permette de creuser les tombes. Mather devint ensuite un architecte réputé d'Ottawa, concepteur d'églises, d'écoles et de résidences de nombreux citoyens éminents. Il fut également président du cimetière Beechwood, où il fut inhumé.

La loi provinciale qui incorpora la Société du cimetière Beechwood exigeait la vente de ses terrains en « lots, concessions ou parcelles », mais les terrains vendus devaient être utilisés « exclusivement comme cimetière ou lieu de sépulture pour les morts ». Le cimetière devait s'assurer que « tous les enterrements dans ledit cimetière soient effectués d’une manière décente et solennelle ». Les personnes qui troublaient l’ordre public et celles qui endommageaient ou détruisaient les monuments, les arbres ou d'autres biens pouvaient être amenées devant un juge de paix et, en cas de condamnation, se voir imposer une amende de deux à cinquante dollars, tandis que le défaut de paiement signifiait que la personne « pouvait être envoyée en prison pour une période d'au moins six jours et d'au plus trois mois... ».

Dans le cimetière, les visiteurs ne pouvaient pas « faire des jeux ou pratiquer un sport, ni décharger des armes à feu (sauf lors d'un enterrement militaire) dans ledit cimetière... ni déranger délibérément toutes personnes rassemblées aux fins d'y enterrer un corps ». En cas de condamnation, les mêmes amendes et peines de prison s'appliquaient.

À la fin des années 1920, un important projet de construction démarra à Beechwood : l'érection d'un grand mausolée offrant des centaines d’espaces de sépulture. Cet édifice d'une grande valeur architecturale fut construit par une entreprise distincte du cimetière, Canada Mausoleums Ltd. Après quelques années d'exploitation, en période de dépression et de difficultés financières, Canada Mausoleums Ltd. fit faillite et le mausolée devint la propriété du cimetière. Son architecture gothique, dont la première apparition à Ottawa survint lors de la construction des édifices du Parlement, constitue une reprise de certaines caractéristiques de bâtiments anciens, notamment des ouvrages en pierre sculptés avec soin représentant des créatures mythologiques et l'utilisation de vitraux confectionnés avec art.

Le mausolée de Beechwood offre un dernier lieu de repos à de nombreux Canadiens éminents, dont le père de la Confédération William McDougall. En 1962, le mausolée assuma une fonction supplémentaire lorsque son niveau inférieur fut transformé en crématorium. Même si, dans de nombreuses sociétés comme celles de la Grèce et de la Rome antiques, la crémation était le principal moyen de disposer des restes humains, l'acceptation de la crémation fut un long processus en Amérique du Nord.

Lorsque le crématorium de Beechwood a ouvert ses portes, la demande pour ce service était faible et, après dix ans, seule une inhumation sur cinq concernait des cendres à Beechwood. Le rapport est maintenant à peu près égal entre les cercueils et les urnes. Lorsque le crématorium fut installé, une partie du niveau principal du mausolée devint un columbarium où furent entreposées des urnes plutôt que des cercueils. Le besoin d'espace d’entreposage supplémentaire conduisit au développement de cimetières spécialement conçus comme des jardins à urnes, aménagés comme des cadres paysagers d’aires d'inhumation intégrées à des jardins, des arbustes, des pelouses et des allées.

Dès 1874, le cimetière Beechwood était connu pour ses jardins et ses délicates compositions florales. Au cours de l'été 1874, l’Ottawa Journal publiait constamment des articles sur la visite des jardins de Beechwood et les visiteurs recevaient des laissez-passer pour entrer dans le cimetière. Les Jardins botaniques de crémation, situés en face du Centre de réception du cimetière, présentent au printemps un parterre de tulipes, remplacées ensuite par d'autres fleurs. La beauté de l'endroit attire de nombreux visiteurs.

Dans ces jardins, une urne contient les cendres de Tommy Douglas, Premier ministre de la Saskatchewan et leader de la politique canadienne. De nombreuses personnes ont choisi les jardins botaniques comme lieu de leur dernier repos, notamment Marion Dewar, ancienne mairesse d'Ottawa, présidente du NPD et chef de file en matière de questions de droits de la personne aux niveaux national et international.

D'autres aires de jardins de Beechwood, comme les jardins de hostas et les rocailles, sont situées sur l’emplacement d’une carrière de pierres exploitée autrefois pour récolter les riches roches minérales de la vallée de l'Outaouais. Aujourd'hui, le cimetière Beechwood possède l'une des plus grandes collections de l'Ontario et du Québec de hostas qui fleurissent le long des parois rocheuses, attirant les amateurs d'horticulture de tout le Canada. Les aires forestières naturelles situées à la lisière nord de la propriété de Beechwood contrastent avec les pelouses et les jardins soigneusement cultivés.

Lorsqu’une tempête de verglas abattit de nombreux arbres en 1998, leur bois fut récupéré et utilisé pour meubler le Centre de réception agrandi. Une aire marécageuse située près de la lisière sud de la propriété a été réservée comme site d'étude avec une salle de classe en plein-air pour permettre aux écoliers d'observer la vie végétale et animale. Appelée le marais Macoun, elle fut nommée en l'honneur du botaniste John Macoun, arrivé au Canada en 1850, qui s’est joint par la suite à la première agence scientifique canadienne, la Commission géologique du Canada. Ses travaux, qui lui firent parcourir tout le pays, ont révélé une grande partie de la nature de la vie végétale et animale du Canada. Macoun, qui est inhumé à Beechwood, a été surnommé « le plus grand botaniste explorateur du Canada ».

Même si le cimetière Beechwood a été créé en tant que cimetière protestant, il a rapidement évolué pour devenir non confessionnel, caractéristique attrayante pour maints groupes et sociétés d'Ottawa. L'inhumation de la première personne d'origine chinoise en 1903 a mené, dans les années 1920, à la création d'un lieu de sépulture pour les membres de la communauté chinoise, secteur auquel la construction récente d'une Pagode du souvenir a donné son caractère distinctif.

Dans le cadre d’un autre développement dans les années 1920, l'une des églises luthériennes d'Ottawa a obtenu une concession de sépulture pour les membres de sa congrégation. Parmi les autres groupes ayant des lieux d’inhumation à Beechwood, mentionnons le Foyer des femmes sans ami-e-s, l’Union Mission for Men, le Foyer protestant pour personnes âgées et l’Orphelinat protestant. Un monument portant un symbole composé des lettres reliées FLT, signifiant Friendship (Amitié), Love (Amour) et Truth (Vérité), indique l’aire de sépulture de l'Independent Order of Odd Fellows. Un monument voisin identifie la concession de sépulture maçonnique. Ce monument, exemple intéressant de symbolisme, présente des outils du métier de maçon : un ancien niveau, une équerre et un compas pour tracer des cercles.

En 1977, quelques actionnaires de Beechwood ont essayé de faire vendre du terrain inutilisé pour la construction de logements, démarche à laquelle d'autres se sont fermement opposés. Il s'ensuivit une décennie de litiges, l'échec de la vente de terrain proposée et le changement de statut du cimetière d'une entreprise privée à un organisme de bienfaisance sans but lucratif.

La Fondation du cimetière Beechwood fut créée en 2000 dans le but de préserver l'avenir du cimetière, de sensibiliser davantage le public au cimetière et aux événements importants de l'histoire canadienne associés à des personnes qui y sont inhumées. Aujourd'hui, la Fondation organise plus d'une douzaine d'événements annuels au cimetière.

L'une des plus grandes réalisations de la Fondation du cimetière Beechwood est la construction du Centre commémoratif national Beechwood (CCNB), qui est un témoignage de l'histoire, de la culture et surtout un espace paisible pour honorer les personnes décédées. Le pôle d’attraction du bâtiment est l'Espace sacré, conçu pour représenter les neuf grandes religions du monde et soutenu par des poutres en bois de la même forme que les longues maisons traditionnelles autochtones. Le centre de la pièce abrite aussi un gros rocher, apporté jusqu’à Ottawa depuis l'Arctique lors de la dernière période glaciaire. Il offre un point d'ancrage aux personnes endeuillées. L'Espace sacré sert de lieu de rassemblement à toute personne, peu importe sa religion, sa foi ou sa culture, qui souhaite organiser un service funéraire ou commémoratif dans un lieu jugé sacré.

Le patrimoine militaire du Canada et la longue association de Beechwood avec l'armée sont omniprésents dans le CCNB. La Salle des drapeaux arbore les étendards des régiments militaires du Canada et abrite un grand vitrail intitulé De l'espoir dans un monde dévasté, qui illustre les expériences de guerre des soldats canadiens et le rôle des aumôniers tout au long de l'histoire militaire. La salle renferme aussi un socle en granite noir.

Le Cimetière commémoratif national de la GRC a été officiellement inauguré le 17 octobre 2004, grâce à un partenariat entre la Division d'Ottawa de l'Association des anciens de la GRC et la Fondation du cimetière Beechwood. Il comprend un magnifique monument commémoratif en granite, un lieu de rassemblement et une statue sur un monument dédié à la mémoire des officiers morts au combat.

En 2007, Beechwood a contribué à la création du Cimetière militaire national afin de créer un lien entre les personnes décédées en service actif, celles dont le décès était lié au service ou qui ont servi honorablement et qui souhaitaient reposer avec leurs pairs dans les terrains des sections 19, 27, 29 et 103. En raison de son emplacement à Ottawa, capitale du Canada, Beechwood est devenu le dernier lieu de repos de nombreux Canadiens qui, de diverses manières, ont façonné l'histoire de notre pays.

Pour cette raison et pour bien d’autres, le projet de loi C-17, Loi reconnaissant le Cimetière Beechwood comme le cimetière national du Canada, a été adopté à la Chambre des communes en 2009 avec l'appui de tous les partis. L'Association des policiers d'Ottawa et l'Association des officiers supérieurs d’Ottawa, avec l'appui et la collaboration du Service de police d'Ottawa et de la Fondation du cimetière Beechwood, ont entrepris l'aménagement du Cimetière commémoratif du Service de police d'Ottawa, qui a été officiellement inauguré en octobre 2011.

En 2017, le Cimetière commémoratif national du SCRS a été créé grâce à un triple partenariat entre le SCRS, la Société Pillar et la Fondation du cimetière Beechwood. Ce sera un lieu de commémoration nationale pour les employés actuels et passés du SCRS et pour tous les Canadiens. Beechwood est fier de promouvoir la capitale de notre pays et le patrimoine riche et diversifié du Canada.

Ainsi, Beechwood fonctionne sur une base non lucrative, de sorte que vous pouvez être réconfortés de savoir que les fonds servent à l'entretien, la préservation et la mise en valeur de ce lieu historique national.

Même si de nombreuses personnes visitent Beechwood pour se recueillir en privé, beaucoup viennent aussi profiter de nos jardins botaniques, notamment de notre exposition annuelle de plus de 35 000 tulipes au printemps et de nos spectaculaires coloris d'automne.

D'autres viennent pour des visites historiques ou pour rendre un hommage dans nos sections dédiées aux soldats et aux policiers canadiens. Des groupes scolaires et des particuliers visitent le marais Macoun, notre aire humide unique en milieu urbain. Des concerts sont organisés dans notre Espace sacré ou derrière le mausolée. Beechwood est vraiment un endroit spécial.