Le mausolée de Beechwood connu un bon départ
Après des années d'étude, d'hésitation et de diligence raisonnable, le vice-président Charles Thorburn souleva la première pelletée de terre pour construire un mausolée communautaire.
Étaient présents des représentants du cimetière, ainsi que le président et les vendeurs de l'entreprise qui allait le construire et le vendre – Canada Mausoleums Limited de Toronto.
Le conseil d'administration avait soigneusement étudié les mausolées communautaires et négocié des modifications au contrat type du constructeur. Pourtant, quand vint le temps pour Canada Mausoleums de transmettre la part du chiffre d'affaires consacrée à l'entretien perpétuel, la société demeura vague en envoyant seulement un petit paiement initial assorti de promesses.
La mauvaise synchronisation de la construction au début de la Dépression n’est qu’un élément de l'histoire. L'exubérance d'un entrepreneur en construction de mausolées qui poursuivit le rêve de croissance perpétuelle des années 1920 est tout aussi importante. Les ventes préalables étaient une idée nouvelle pour le conseil d’administration de Beechwood dans les années 1930, mais pas pour Canada Mausoleums.
Immédiatement après la signature du contrat le 24 mars 1930, le vendeur du constructeur se mit à placer des annonces dans les journaux et à prendre les commandes. Les ventes furent bonnes et Canada Mausoleums n'invoqua pas la clause du contrat annulant la transaction si les commandes payées ne couvraient pas les coûts de construction.
Cependant, lorsque le bâtiment fut achevé en janvier 1932, le conseil d'administration de Beechwood dut ordonner à Canada Mausoleums d’enlever le bois qui encombrait le terrain. Les choses empirèrent. En mars 1933, Beechwood écrivit à Canada Mausoleums en demandant le fonds perpétuel dû au cimetière en vertu du contrat et alors en souffrance. Aucune réponse sinon des propositions de modification du contrat.
En décembre 1933, le toit avait besoin de réparations –travaux couverts par une garantie écrite dans le contrat. Mais Canada Mausoleums n’avait pas payé le couvreur. La banque du couvreur suggéra à Beechwood de demander à JD Sanderson de réparer le toit en goudron et gravier et de remettre la toiture en cuivre « en excellent état », tandis que la banque poursuivait Canada Mausoleums au nom de leur entreprise maintenant en faillite.
Pendant ce temps, Beechwood essaya de retracer quelles cryptes avaient été vendues et combien d'argent les clients avaient payé au constructeur pour l'entretien perpétuel. Ils découvrirent que certaines cryptes invendues avaient été transférées en guise de paiement à l'un des fournisseurs de Canada Mausoleums, Wallace Quarries de Montréal. Quelques autres avaient été mises au nom de l'épouse du président de la compagnie. Rien de tout cela n’aurait dû arriver. Canada Mausoleums avait réalisé ailleurs dix-huit projets fructueux sans aucune plainte et le mausolée de Beechwood s’était bien vendu. Mais l'entreprise a peut-être laissé grimper les coûts de construction. Un changement est intervenu tôt et son coût aurait dû être calculé dans les prix des cryptes.
En mai 1930, le président de Canada Mausoleums et l'architecte, William Ralston, vinrent à Ottawa. Ils décidèrent qu'il fallait déplacer le mausolée de la carrière située à l'extrémité est de la Section 50 juste à l'entrée au sommet de la colline en arrière de l'ancienne voûte de réception. Le contrat fut modifié de sorte que Canada Mausoleums supportait le coût de construction d'une route jusqu’au nouveau site, l'excavation des pierres et leur déversement dans la carrière. Deux autres changements surgirent après le début de la construction et n’ont peut-être pas été couverts dans le prix de vente. Le premier changement a probablement eu un impact minime. Le contrat prévoyait le revêtement extérieur avec du calcaire de l'Indiana ou de la pierre au choix du conseil d'administration.
Le 25 mars 1931, les administrateurs partirent en voiture pour faire un tour de Rockliffe afin de scruter la pierre utilisée sur les maisons. Ils en arrivèrent à deux choix – le calcaire local utilisé sur la maison de Norman Wilson (mari de la nouvelle sénatrice Cairine Wilson) et ce que le procès-verbal appelait le grès de Nepean sur la maison de Warren Y. Soper, Lornado (la maison de Wilson est maintenant celle du nonce apostolique et Lornado abrite l’ambassadeur des États-Unis). Ils choisirent la pierre utilisée sur la maison Lornado qui, pure coïncidence, était la maison du beau-père du secrétaire du conseil d'administration Cecil Bethune. Le deuxième changement a peut-être été le tueur financier.
Le 28 mars 1931, une annonce du constructeur parue dans le journal montre un bâtiment d’aspect gothique mais, comme d'autres mausolées du constructeur que j'ai vus, semble avoir peu ou pas de sculptures. Pourtant, nous voyons maintenant sur la façade des sculptures de roses, de fleurs de lys, de chardons, etc., ainsi que des oiseaux et environ dix-huit visages personnalisés.
Est-ce que Canada Mausoleums avait bien compris le coût de sculptures aussi élaborées, très différentes des projets précédents? La meilleure estimation que j’ai pu trouver pour les revenus des cryptes en 1933 s’élève à 264 000 $. De ce montant, Canada Mausoleums a dû payer au moins 200 000 $ en frais de construction (tel que mentionné dans le Ottawa Citizen du 27 mars 1931) et mis de côté environ 40 000 $ pour le fonds d’entretien perpétuel inclus dans le prix de vente, selon les promesses faites aux clients. Cela laisse tout au plus 24 000 $ pour les autres coûts, les frais généraux et le profit. Avec, au mieux, une marge de 24 000 $, Canada Mausoleums aurait-elle dû graver dans la pierre des éléments aussi coûteux à Beechwood? En fin de compte, on ne put rien faire.
Le 7 août 1936, Canada Mausoleums renonça à ses droits de propriété sur le mausolée et Beechwood reprit le tout sans exception. L'entreprise Canada Mausoleums avait illustré tout l'optimisme des années 1920 et d'une industrie du deuil en pleine expansion. Mais elle survécut à peine aux années 1930 et, même si elle demeura en activité jusqu'à la mort de son président en 1955, elle ne vendit plus jamais un autre mausolée communautaire.
Par ailleurs, le conseil de Beechwood, malgré toutes ses précautions, se retrouva avec un bâtiment nécessitant des frais d’entretien coûteux, mais avec peu de cryptes invendues pour le financer.
La situation difficile se compliqua en gérant Beechwood en partie pour assurer un petit revenu sûr aux actionnaires et en partie comme un devoir civique. Ils n’avaient tout simplement pas la capacité de vente intensive nécessaire pour bâtir un fonds perpétuel.